Indemnité télétravail

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Télétravail : vers une indemnité automatique du domicile ?

Emma

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05

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2025

Depuis la généralisation du télétravail, les entreprises ont repensé leur organisation du travail. Cette évolution, porteuse d’opportunités pour les entreprises et leurs collaborateurs, ouvre désormais de nouvelles réflexions sur ses implications financières, notamment depuis une décision de la Cour de cassation rendue le 19 mars 2025.

Derrière cette décision, une question centrale : les entreprises doivent-elles désormais verser une indemnité de télétravail de manière quasi-automatique ? Et si oui, dans quelles conditions et selon quelles modalités de calcul ?

Face à ces nouvelles incertitudes, DRH et dirigeants d’entreprise doivent dès aujourd’hui maîtriser la réglementation du télétravail et sécuriser le cadre légal du télétravail pour anticiper les impacts financiers et sociaux de cette évolution.

1. Télétravail et indemnité d’occupation du domicile : de quoi parle-t-on ?

Avant d’en mesurer les implications, il convient de bien distinguer deux notions fondamentales :

  • Les frais professionnels : ce sont les dépenses engagées par le travailleur pour les besoins de son activité (abonnement internet, téléphonie, consommables…). L’employeur est tenu de rembourser les frais liés au télétravail conformément à ses obligations légales du télétravail.
  • L’indemnité d’occupation du domicile : à la différence des frais professionnels, cette indemnité vise à compenser l’occupation du domicile du collaborateur pour des besoins professionnels. Elle est justifiée par la contrainte que cette situation impose au collaborateur, ce que la jurisprudence sur le télétravail qualifie de « sujétion ».

Même en l’absence de contrainte directe, le simple fait qu’une partie du domicile soit mobilisée pour l’activité professionnelle peut justifier cette compensation. Les entreprises doivent ainsi respecter les obligations légales du télétravail pour éviter tout risque contentieux.

2. Ce que change l’arrêt du 19 mars 2025 : vers une généralisation de l’indemnité ?

La décision rendue par la Cour de cassation marque un tournant en matière d’indemnisation du télétravail.

Jusqu’alors, pour être tenu de verser une indemnité de télétravail, l’employeur devait :

  • Ne pas avoir mis de local professionnel à disposition,
  • Ou avoir imposé le télétravail à ses effectifs

Désormais, la Cour élargit cette approche en considérant que l’indemnité est due :

  • Soit en l’absence de local professionnel effectivement mis à disposition,
  • Soit lorsqu’un accord collectif sur le télétravail a été conclu, même pour quelques jours par semaine.

Cette nouvelle interprétation pose plusieurs questions :

  • Faut-il calculer l’indemnité de télétravail différemment selon qu’il s’agisse de télétravail partiel ou à temps complet ?
  • L’accord collectif sur le télétravail doit-il être formalisé par écrit ou une simple pratique suffit-elle ?
  • Quels critères permettent de déterminer le seuil de déclenchement de l’indemnité ?

Face à ces incertitudes, il est urgent pour les entreprises de négocier un accord de télétravail clair, afin de sécuriser le cadre juridique du télétravail et d’anticiper les coûts associés.

3. Comment définir et anticiper cette indemnité ?

Pour calculer l’indemnité de télétravail, deux grandes méthodes sont envisageables :

La méthode forfaitaire

Elle consiste à fixer une indemnité forfaitaire de télétravail mensuelle standard pour compenser l’occupation du domicile.

Exemple : la jurisprudence sur le télétravail a validé un forfait de 91 € par mois pour des personnes utilisant partiellement leur logement pour des tâches administratives.

Cette méthode est simple à mettre en place et permet de prendre en charge le télétravail de manière prévisible et contrôlée.

La méthode au réel

Plus complexe, cette méthode implique de :

  • Calculer la surface réellement utilisée pour le travail,
  • Évaluer la valeur locative du bien,
  • Appliquer un prorata en fonction du temps de télétravail.

Cette approche a conduit les tribunaux à accorder des indemnités pouvant atteindre 5 000 €.

Quels éléments intégrer dans le calcul ?

  • Loyers ou valeur locative,
  • Taxes locales (habitation, foncière),
  • Charges de copropriété,
  • Assurances habitation,
  • Consommation énergétique liée à l’activité.

Les entreprises doivent impérativement appliquer le Code du travail sur le télétravail et formaliser ces modalités dans une charte de télétravail en entreprise pour éviter toute dérive financière.

4. Quels impacts pour les entreprises et comment réagir ?

Des risques financiers et contentieux accrus

En l’absence d’un cadre clair, les entreprises risquent de devoir verser une indemnité de télétravail de façon rétroactive, sur une période pouvant aller jusqu’à deux ans (prescription biennale – article L1471-1 du Code du travail).

Il est donc essentiel de respecter les obligations légales du télétravail et de clarifier les règles applicables pour limiter ces risques.

Les bonnes pratiques à adopter dès maintenant

  • Négocier un accord de télétravail incluant des clauses précises sur la prise en charge des frais de télétravail et l’indemnisation associée.
  • Préférer une indemnité forfaitaire de télétravail simple pour réduire le coût du télétravail et limiter les contestations.
  • Protéger la vie privée en télétravail en évitant l’immixtion excessive dans l’espace personnel.
  • Mettre en place une charte de télétravail en entreprise afin de gérer les demandes d’indemnité de manière transparente et équitable.

Conclusion : agir sans attendre pour sécuriser vos pratiques

L’arrêt du 19 mars 2025 marque une évolution majeure en matière de télétravail. Sans attendre de nouvelles précisions, les entreprises doivent agir pour sécuriser le cadre légal du télétravail et maîtriser leurs engagements financiers. Cela passe notamment par une analyse approfondie des contrats de travail, afin d’y intégrer les clauses nécessaires liées au recours au télétravail, tout en respectant les obligations légales.

La flexibilité du travail est aujourd’hui indissociable d’une vigilance accrue sur ses implications juridiques et économiques, notamment en matière de temps de travail.

Les entreprises doivent veiller à ce que les pratiques de télétravail soient conformes aux durées légales et aux règles applicables, tout en garantissant le suivi précis des heures effectuées par les équipes.

Il appartient aux DRH et dirigeants de maîtriser la réglementation du télétravail, d’intégrer ces aspects dans les contrats de travail, et de respecter le droit du travail et le télétravail.

En agissant ainsi, ils favorisent une organisation plus efficace et maîtrisée du temps de travail, tout en contribuant à créer un environnement professionnel plus durable, équilibré et propice à la performance.